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La colère des agriculteurs résonne partout en France

Quelque 150 agriculteurs et une centaine de tracteurs ont bloqué l'autoroute A16 entre Amiens et Paris le 24 janvier 2024.

De Beauvais à Bordeaux en passant par Montélimar, des milliers d’agricultrices et d’agriculteurs bloquent les axes de circulation à bord de leurs tracteurs. Le mot d’ordre est clair : c’est un « mouvement à durée indéterminée ».

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Circulation coupée, péages barrés… La mobilisation des agriculteurs, largement soutenue par les Français, s’est amplifiée ce mercredi 24 janvier 2024 avec une multiplication des blocages pour obtenir des « réponses concrètes » du gouvernement. Endeuillé par les décès accidentels d’une éleveuse et de sa fille hier, percutées par une voiture sur un barrage à Pamiers, dans l’Ariège, le mouvement dit y avoir puisé une « rage » supplémentaire.

« On a la corde au cou »

Les agriculteurs n’ont pas tous les mêmes demandes, mais ils partagent un même malaise sur leur avenir, écartelés entre désir de produire et nécessité de réduire leur impact sur la biodiversité et le climat. Parmi leurs revendications, certaines concernent les marges de la grande distribution, les jachères, les pesticides, les normes environnementales, les autorisations administratives, ou encore, le prix du gazole.

« La crise n’a jamais été aussi morale, car il y a une crise de confiance, a expliqué à La France Agricole Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA et agriculteur dans l’Oise. On est devenu des hors-la-loi avec la réglementation actuelle. Mais comme on a du bon sens, on n’a pas encore les menottes. »

Interrogée par l’AFP, Patricia Dagoré, agricultrice au Pays basque et membre de la FNSEA, a témoigné du mal-être chez les paysans. « On nous impose toujours plus de normes. Mais comment faire pour les appliquer ? Les mettre toutes en œuvre, ça coûte. Aujourd’hui, on a tous la corde au cou, des trésoreries dans le rouge. »

Au micro de France 2 ce mercredi matin, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, s’est lui aussi exprimé. « Bloquer le pays n’est pas un objectif, a-t-il assuré au journaliste Thomas Sotto dans l’émission Les quatre vérités. C’est un moyen pour obtenir rapidement des décisions. Une fois que la mèche est allumée, les agriculteurs veulent aller jusqu’au bout. Il n’y a pas d’esprit de recul. »

Ballot de paille et opération escargot dans le Sud-Ouest

Sur le terrain, la mobilisation prend de l’ampleur. Alors qu’elle avait commencé en Occitanie, elle touche désormais plusieurs dizaines d’axes importants partout en France, symbole d’un malaise général du monde paysan, constaté ailleurs en Europe, en Allemagne par exemple.

En Nouvelle-Aquitaine, depuis 5 heures ce mercredi matin, près de 180 tracteurs et plus de 500 agricultrices et agriculteurs se sont réunis sur la rocade de Bordeaux à l’appel de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs (JA). « Pour le moment, on bloque les deux côtés, a expliqué à La France Agricole Cédric Pointet, secrétaire général des JA 33 présent sur place. Ce matin, on a mené une opération escargot simultanée sur les deux voies de la rocade qui a débuté à 10 heures. » À Agen, des manifestants ont également lancé un ballot de paille dans un restaurant McDonald’s, a rapporté l’AFP.

Circulation à l’arrêt dans le Sud-Est

Parti du Vaucluse ce mercredi matin, un convoi d’environ 70 tracteurs a remonté l’A7, rejoint par d’autres agriculteurs de la Drôme. Les deux cortèges ont coupé l’autoroute à hauteur de Montélimar (Drôme) dans les deux sens. Sur la nationale 7, non loin de là, un groupe de manifestants a intercepté un camion espagnol transportant des légumes surgelés et a vidé son contenu sur la route, a constaté un photographe de l’AFP. Plusieurs autres autoroutes ont été bloquées dans les deux sens, comme l’A49 et l’A75, a précisé la préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes dans un communiqué de presse diffusé ce 24 janvier.

Toujours en Auvergne-Rhône-Alpes, quelque 150 à 200 manifestants ont bloqué l’A71 ce mercredi après-midi, a témoigné à La France Agricole David Chauve, secrétaire général de la FRSEA 63 qui était toujours sur place à 16 heures. « On organise des rotations entre cette nuit et demain jeudi, pour combiner présence sur le site et vie de nos exploitations. »

Entrecôte et autoroutes coupées dans le Nord

En Normandie, tracteurs et éleveurs ont bloqué en fin de matinée, à Domfront-en-Poiraie dans l’Orne, l’usine de camembert Président du groupe Lactalis, accusé de « fouler aux pieds » la loi Egalim censée garantir la rémunération des agriculteurs par les industriels. Le numéro un mondial du secteur « ne paie que 403 euros » les 1 000 litres, là où ses concurrents achètent à 440 euros, a déploré à l’AFP Sylvain Délye, 50 ans, éleveur et président de la FDSEA dans ce département. « Les banques ne suivent plus, le rendement du lait n’étant pas garanti. »

Dans les Hauts-de-France, les manifestants ont bloqué les autoroutes A1, A2 et A26, et « une centaine de tracteurs et 150 agriculteurs sont toujours sur l’A16 qui est totalement impraticable d’Amiens à Paris, a précisé Luc Smessaert à La France Agricole. Notre mobilisation est historique et elle reçoit beaucoup de soutiens. Un boulanger nous a apporté des viennoiseries et des baguettes, on a eu 100 kg d’entrecôte d’un grossiste et un garagiste nous a même apporté l’apéritif du haut du pont sous lequel on s’était abrités ! »

Les manifestants picards n’excluent pas de se rapprocher de Paris. « Ça va bouger, les agriculteurs veulent être entendus à Paris », a ajouté Luc Smessaert à l’AFP.

Un mouvement « à durée indéterminée »

Dans le reste du pays, d’autres barrages et actions coup de poing ont coupé des axes routiers principaux ou secondaires en Bretagne, ou dans le Centre. Mais tous les manifestants ne sont pas d’accord sur les moyens d’action. Laurent Thérond par exemple, co-porte-parole de la Confédération paysanne du Vaucluse, a qualifié les dirigeants de la FNSEA de « pompiers pyromanes », rapporte l’AFP.

Quant aux suites à donner, qu’il s’agisse des manifestants interrogés sur le terrain ou des présidents des syndicats, tous sont unanimes : « Le mouvement est à durée indéterminée. » Arnaud Rousseau a précisé sur France 2 que d’ici à vendredi, près de 85 départements allaient mener « des actions, de manière continue ou sporadique. […] On n’est pas là pour embêter les Français. Nous, on préfère être sur nos fermes, mais dans le moment dans lequel on est, on n’a pas le choix. On est obligé d’y aller. »

La FNSEA doit annoncer ce mercredi soir une « quarantaine de revendications claires » à l’adresse de l’exécutif.

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